Tsukuri Kuzushi Kake - Ou l'art de céder
L'art de céder
Il était une fois… Un matin d'hiver, il y a très, très longtemps, le philosophe japonais Shirobei Akiyama réfléchissait à un problème. Il pensait à ce problème depuis l'aube et maintenant il allait préparer son dîner. Il se sentait énervé. Tout à coup il eut envie de se promener un peu et de respirer de l'air frais.
Alors le philosophe s'enveloppa de son mieux en un manteau de fourrure, ses pieds bien secs dans ses bottes de cuir, sa tête à peine visible sous un grand chapeau de laine, et il sortit de chez lui. La neige tombait abondamment, de grands flocons blancs et lourds et le paysage qu'il connaissait si bien, était transformé par un manteau lisse et étincelant.
Il choisit son chemin favori et marcha lentement, poussant avec ses pieds la neige profonde qui couvrait le petit sentier. Tout était silencieux; point d'oiseau ne se hasardait sous les nuages gris; les champs étaient déserts. Il était seul.
Tout en marchant, il réfléchissait à ce problème bien mondain qui l'avait préoccupé toute la matinée. Ce problème était le suivant. En luttant avec un adversaire de sa propre taille, il se trouvait souvent dans une impasse: ni l'un ni l'autre ne pouvait repousser la personne en face. Contre quelqu'un plus grand que lui c'était pire: il avait beau pousser, l'autre l'écrasait à coup sûr. Comment alors sortir victorieux? Il dirigea ses pas vers le bois. De temps en temps le silence hivernal était ponctué par un craquement sec et une branche d'arbre, écrasée sous le poids de la neige qui se posait sur elle.
Soudain, il leva la tête et vit devant lui un saule.
La neige s'accumulait sur ses branches; mais au fur et à mesure que le poids de la neige augmentait, les branches du saule cédaient doucement et se pliaient au sol, jusqu'au point où le lourd chargement de neige glissait par terre.
Débarrassées du poids, les branches retournèrent ensuite à leur position initiale comme si de rien n'était. Le philosophe regarda, étonné par cette leçon simple que lui donnait l'arbre. Tout de suite il retourna chez lui et fonda son école qu'il appela yoshin-ryu, ou « École de l'Esprit du Saule ». Et ce fut ainsi qu'une des écoles d'arts martiaux la plus célèbre a été lancée.
Quelques siècles plus tard, vers la fin du XIX siècle, les principes de cette école furent étudiées par un jeune homme du nom de Jigoro Kano, qui les inclut dans son nouveau système qu'il appela « La Voie de la Souplesse », ou, en japonais, judo.
Tsukuri Kuzushi Kake/Gake
Parmis les notions de base indispensables à une bonne pratique et une bonne compréhension des arts martiaux et des sports de combat, le principe de Tsukuri Kuzushi Kake est sans doute le plus fondamental car il est à la base même de la réussite de toute technique.
Sans le Tsukuri Kuzushi Kake, une technique n’est qu’une suite de mouvements sans fondement, sans contexte et sans intérêt.
Tsukuri
C’est la préparation physique et mentale, la phase préliminaire à l’exécution de toute technique. On se concentre, on analyse la situation, on règle son Kamae (garde), son Maai (distance) et on cherche provoquer une réaction chez Uke.
Kuzushi
C’est le déséquilibre, physique, mental ou les deux à la fois ! Suki (détecter les faiblesses/les ouvertures) et Sen (“timing” et initiative), on profite de la réaction de Uke pour se placer correctement, affaiblir sa structure et le déséquilibrer, le mettre dans une position de faiblesse où il pourra difficilement riposter.
Kake/Gake
Exécution de la technique. Une fois Uke en mauvaise posture pour riposter, on exécute la technique proprement dite.